Une fois encore, d'excellentes remarques de Thierry.
J'ai déjà bondi il y a peu lorsque j'ai lu que le récent licenciement avait été "validé" par l'avocat. Il est une évidence pour tout chef d'entreprise ou tout manager ayant une autonomie de décision : les avocats (hors représentation au tribunal) ne sont là qu'à titre de conseil, ils donnent les diverses options en fonction de la loi, de l'interprétation qui en est généralement faite voire de leur propre interprétation. Dans tout litige judiciaire, il y a deux parties et souvent l'orientation du débat se base sur l'attitude de la partie adverse. Mais c'est toujours au dirigeant de prendre la décision finale et rien ne l'empêche de ne pas suivre l'avis de ses conseils car lui seul est responsable de ses actes. D'ailleurs, sauf à vouloir profiter d'un effet de peur envers les gens peu au fait, aucun dirigeant ne fait plus envoyer de courrier par son avocat, ce qui n'a de toute façon pas de poids supplémentaire à un simple p/o signé par un/une secrétaire.
Il semblerait que Monsieur et Madame Mathis (je n'ai pas compris dans quel cadre le premier intervenait) aient décidé de gérer la communication du conseil d'administration en 140 caractères, c'est très regrettable. Mais leur incompétence juridique est assez flagrante, ce qui n'est en soi pas grave puisque ce n'est le métier ni de l'un ni de l'autre, loin s'en faut. Encore faut-il ne plus rien lire de leur part, ne plus rien leur demander.
Sur le fond, je me permets de donner mon avis juridique (libre à chacun de le suivre ou non, comme toujours). La démission collective d'un conseil d'administration peut constituer un problème s'il y a un risque d'interruption de la gouvernance, en particulier si rien n'est fait pour assurer le maintien de l'entité. Or, dans le cas présent, une assemblée générale est déjà prévue, un certain nombre de candidats se sont déjà manifestés, il ne reste sans doute plus qu'à formaliser les détails (convocations et organisation, ce qui peut échoir aussi à un salarié par délégation), il est extrêmement probable que la continuité se fasse sans problème. Dans tous les cas, je ne vois pas bien en quoi la préfecture pourrait décider de quoi que ce soit, ce ne pourrait être qu'un juge, qui pourrait d'ailleurs être saisi en référé et désigner un administrateur provisoire jusqu'à la prochaine assemblée générale (c'est surtout s'il y a des chèques à signer, et encore, sous réserve qu'il n'y ait pas eu de délégation de signature à un salarié dirigeant).
En outre, même si le rôle de membre de conseil d'administration est totalement bénévole, il ne faut pas oublier ce fameux article 2007 de notre cher ami Napoléon qui permet de rechercher une responsabilité s'il s'avère que l'abandon d'un mandat est fait non pour se libérer d'une charge ou d'une contrainte mais avec une volonté de nuire. Démissionner collectivement sans même assurer l'intérim jusqu'à l'élection d'un nouveau conseil pourrait avoir des conséquences.
Il est étrange que le cabinet Hugot, connu depuis longtemps dans l'association, donne ce type de conseil. Il faudrait vérifier qu'il n'a pas été changé par l'équipe dirigeante actuelle. On peut aussi envisager une mauvaise compréhension de la part de certains membres du conseil.
Starus
________________________________ De : Wikimediafr wikimediafr-bounces@lists.wikimedia.org de la part de Charlotte Matoussowsky charlottematou@neuf.fr Envoyé : lundi 7 août 2017 02:43 À : WikimediaFr Liste publique Objet : [Wikimediafr] Mise sous tutelle administrative de l'association
Bonjour à tous,
Thierry Coudray n'ayant pas réussi à envoyer son mail sur la liste, je vous le transfère.
Merci infiniment Thierry d'avoir pris le temps d'éplucher la jurisprudence et de rédiger ces explications.
Charlotte Matou
---------- Message transféré ---------- De : Thierry Coudray <tcoudray@gmail.commailto:tcoudray@gmail.com> Date : 7 août 2017 à 01:44 Objet : Mise sous tutelle administrative de l'association À : wikimediafr@lists.wikimedia.orgmailto:wikimediafr@lists.wikimedia.org, t coudray <tcoudray@gmail.commailto:tcoudray@gmail.com>
Bonsoir,
La vice-présidente Marie-Alice a affirmé sur Twitter que si le CA démissionnait, l'association serait mis sous tutelle par la préfecture, https://twitter.com/search?q=AlienSpoon%20tutelle&src=typd&lang=fr puis toujours sur Twitter Rémi Mathis l'a réaffirméhttps://twitter.com/RemiMathis/status/893088295013449728, affirmation que j'ai contestée, Rémi répondant alors que je n'étais pas avocat et que c'est l'avocat de l'association qui le disait. Dans ce même fil twitter, Charlotte a indiqué n'avoir rien trouvé sur Internet et qu'elle était demandeuse d'infoshttps://twitter.com/cha_matou/status/893386377492148224. Rémi a raison, je ne suis pas avocat. Mais par obligations professionnelles, j'ai du assez souvent me plonger dans différents droits, comme Wikipédien j'ai aussi l'habitude de chercher des sources fiables et comme en plus j'avais promis à Charlotte de regarder...
Une première remarque : pour avoir souvent interagi avec des avocats pour mon travail, j'ai pris l'habitude de ne jamais prendre leur réponse comme une vérité absolue. Une réponse d'avocat peut être de différente nature (lui même en général d'ailleurs le précise quand il vous la donne): d'un simple avis oral jusqu'à une consultation avec un écrit détaillé pour lequel il aura fait des recherches de textes de lois et surtout des jurisprudences (le tarif n'est bien sur pas le même pour les deux). Bref un avis, plus ou moins éclairé suivant le temps de travail consacré et la compétence du dit avocat dans le domaine du droit questionné, un avis qui peut être de très bonne qualité mais qui reste un avis. Et par expérience, il est aussi utile parfois de challenger l'avocat, surtout quand le domaine sur lequel on l'interroge n'est pas son domaine habituel.
Seconde remarque ; Le droit des associations est un peu particulier car ce n'est pas une branche codifié du droit (comme le droit du travail, le droit pénal, etc.) mais principalement une loi, assez sommaire, la fameuse loi de 1901https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006069570 et différents articles du code civil (principalement) mais aussi du code du travail, du code fiscal et d'autres codes suivant l'objet de l'association (par exemple possiblement le code de l'éducation pour WMFr). Il faut donc aller piocher un peu partout avec le risque que cela soit contradictoire. La jurisprudence sur les associations a elle tendance de plus en plus à s'appuyer sur le droit des sociétés.
Sur les textes que j'ai trouvés, la tutelle administrative existe bien mais uniquement pour les associations reconnues d'utilité publique (RUP) et elle est automatique. Quand une association obtient le statut RUP, elle se place d'elle-même sous tutelle administrative. Cette tutelle (ministère de l'Intérieur + éventuellement un autre ministère en rapport avec l'objet de l'association) est faite pour veiller que l'association respecte bien, dans la continuité, les conditions lui ayant permis d'avoir cette RUP par exemple la non modification de certains articles de ses statuts ou son mode de financement. Dans les faits, faute de moyens des préfectures et comme signaléhttp://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/114000278.pdf en 2010 par l'Inspection générale de l'administration, cette tutelle est très lâche.
Pour les autres associations (hors les associations très spécifiques comme celles ayant une délégation de service public), il n'existe pas de tutelle (ma réponse au tweet de Rémi était d'ailleurs en partie erronée, car je reprenais ce terme de tutelle même si je pensais tutelle judiciaire et non administrative). Le Conseil d'Etat, suivant la jurisprudence de la Cour européenne, limite fortement les interventions de l'administration dans le fonctionnement des associations qui pourraient être une obstruction à la liberté fondamentale d'association (article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cf. la jurisprudence de la CE, 10e et 9e sous-sections réunies, 16 juillet 2008, n° 300458). Le seul cas où l'administration est autorisée à agir directement sur une association c'est s'il existe une menace sur la sécurité publique (par ex. dissolution administrative d'associations formant des milices privées).
Que se passerait-il légalement si WMFr se retrouvait sans CA ? A court-terme, rien. Je n'ai rien trouvé en balayant la jurisprudence (mais les recherches sur Legifrance ne sont pas user-friendly) et je suis même tombé sur le cas où une association n'avait plus de CA pendant 3 anshttps://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechExpJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007006697&fastReqId=1184887197&fastPos=19 (le jugement ne portait pas sur cela mais sur l'élection du nouveau CA, dont l'élection était contestée par certains membres). Il est à noter d'ailleurs que la loi n'oblige pas une association à avoir un CA mais seulement à avoir des AG régulières.
Dans le cas où la situation viendrait à perdurer, vu que les statuts de l'association ne prévoient rien en cas de vacance complète du CA (ce qui serait peut-être à prévoir à l'avenir) et que la situation deviendrait problématique, l'Etat, mais aussi toute personne "ayant intérêt à agir" (arrêt n° 05-13.484 de la Cour de cassation du 9 novembre 2006https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007053775) donc un membre, mais aussi je pense un donateur voire peut-être même un Wikipédien, pourrait solliciter le Tribunal de grande instance (TGI), seul compétent pour imposer quelque chose. En effet c'est le juge et non l'autorité administrative qui dans ce cas peut décider (cf. cette réponse ministérielle à une question d'un député sur les associations en déshérence ou en dysfonctionnementhttp://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-23026QE.htm).
Dans le cas de blocage ou de mauvais fonctionnement durable d'une association, le TGI nomme un administrateur provisoirehttp://www.dalloz-avocats.fr/documentation/Document?id=DZ/OASIS/000034 (comme dit plus haut, on se rapproche du droit des sociétés). L'administrateur peut avoir suivant ce que décide le juge la mission de gérer temporairement l'association mais aussi une mission plus limitée comme celle de convoquer la tenue d'une assemblée générale et de veiller à sa bonne tenue ou de faire élire un conseil d'administration (ex. arrêt n°13/04666 de la cour d'appel de Paris 20 mars 2014https://www.doctrine.fr/d/CA/Paris/2014/R2A67821200C3678AD80A). On serait plus dans ce cas. A noter que le juge ne peut pas se substituer aux organes de direction de l'association. A noter aussi pour mémoire que le juge peut (ou pas) accéder à la demande d'un plaignant pour mandater un audit de l'association sur un point précis. Voir sur ces différents points, le bon article synthétiquehttp://www.isbl-consultants.fr/wp-content/uploads/2016/04/la-0000-0246.pdf du Lamy Association.
Si Marie-Alice ou Rémi peuvent citer de leur coté l'article de loi ou la jurisprudence que l'avocat de l'association a avancé pour affirmer qu'une association sans CA est mise sous tutelle de la préfecture, je suis preneur et cela fera progresser la connaissance libre...
Parce que là en l'état, je doute de leur argument pour justifier d'une non démission du CA actuel (qui selon moi aurait beaucoup d'avantages mais là ce n'est que mon avis et qui n'est pas forcément partagéhttps://meta.wikimedia.org/wiki/Talk:Wikim%C3%A9dia_France/Assembl%C3%A9e_g%C3%A9n%C3%A9rale/septembre_2017#Condition_:_D.C3.A9mission_du_CA) sur une situation que ne serait que très temporaire. Mais ce qui me gène le plus c'est que ces derniers temps, le CA cumule les affirmations sur des points légaux, faites de manière publique ou sur la liste de discussion des membres, sans les étayer même quand on le leur demande ou quand ces affirmations sont sérieusement mises en doute. Je peux comprendre que Marie-Alice ne soit pas une spécialiste du droit des associations, mais Wikimédia France dispose d'une directrice exécutive, d'un secrétaire général et d'un budget avocat conséquent donc des moyens plus que suffisant pour que le CA ne désinforme pas les membres et les Wikimédiens.
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Thierry
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Thierry