Merci Adrienne pour ces éléments de réflexion.

Ayant été au CA au moment de la professionnalisation "1ère vague" que tu évoques, je me retrouve dans une grande part de tes réflexions et, en ayant commis en même temps que toi, je me retrouve dans les erreurs que tu pointes.

Un petit point pour aller plus loin dans la nécessaire implication du CA que tu évoques. Contrairement à d'autres associations, l'essentiel de nos membres sont des personnes ayant une vie professionnelle et familiale souvent intense. Hé oui, Wikimédia France ne peux pas compter sur ces indispensables retraités qui fait rayonner l'association des pêcheurs de Joux-la-Ville bien au-delà des limites du canton de L'Isle-sur-Serein !
Il me semble donc nécessaire que chaque membre du futur CA de l'association se saisisse de la question de la relation avec l'équipe salariée et prenne conscience, comme tu le dis, qu'il est une charnière essentielle au bon fonctionnement de la machine. Et pour éviter que les journées de vie professionnelle, de vie familiale, de vie contributive et de vie d'élu associatif de certains n'excèdent 24 h, cela nécessite, dès l'entrée en fonction du CA, que chacun s'approprie une thématique sur laquelle il souhaite s'investir (relations internationales, actions de promotion, aide à la contribution, etc.) et devienne ainsi l’interlocuteur privilégié du ou des salariés en charge de ces points. Il ne faut pas qu'une seule personne soit en charge de superviser les relations avec l'équipe salariée alors que d'autres peuvent se sentir inutiles, ou moins utiles, au sein de l'équipe.

Merci pour tes ondes et tes remarques positives qui contribueront, avec d'autres, à remettre Wikimadia France en marche.

Pierre-Yves (M)

Le 28 juillet 2017 à 17:07, Adrienne Charmet <adrienne@charmet-alix.fr> a écrit :
Bonjour à tous,

Depuis quelques jours, je me dis que je peux peut-être apporter ma
petite pierre à la réflexion en cours pour la préparation de votre
prochaine AG.

Je précise bien que :
- je ne compte pas réadhérer à WMfr, ma place de contributrice
ponctuelle sur les projets et de soutien extérieur au mouvement me va
très bien
- mon objectif n'est pas de donner des bons ou des mauvais points mais
de faire avancer, si possible, la réflexion commune de l'association
pour l'avenir. J'ai beaucoup aimé être membre, puis salariée de cette
association. J'en suis partie avec en tête un certain nombre de
dysfonctionnements dont je suis navrée de voir qu'ils existent toujours,
et qu'ils ont même pu s'aggraver. Cependant je suis persuadée que la
situation actuelle n'est pas une fatalité et qu'en prenant le temps de
la réflexion vous vous en sortirez.

Ayant été fortement impliquée dans la "professionnalisation" de
l'association, comme présidente puis directrice des programmes, et ayant
poursuivi ensuite ma vie professionnelle également dans le secteur
associatif, j'ai eu le temps depuis plus de 3 ans, et bien avant que la
crise actuelle n'éclate, de réfléchir à tout ce qui s'est passé et que
j'ai vécu, à l'époque, comme une forme de crise de croissance, avant de
constater que les problèmes sont en fait permanents. Je vous livre donc
ces quelques réflexions que vous prendrez comme vous le souhaitez, en
n'oubliant pas que derrière les difficultés actuelles et passées il y a
tout de même de très belles choses qui se sont passées dans
l'association, et qui - je l'espère - continueront par la suite, une
fois les problèmes réglés.

1) *Missions de Wikimédia France, relations avec les membres et les projets*

Une des sources de tension dans l'association a toujours été la question
des missions de WMfr. Cette question doit être traitée avec subtilité
parce que l'association n'a pas de mission de porte-parole des projets
ni des contributeurs. Les tensions avec la communauté sont souvent
arrivées sur ce point, et je pense qu'il est crucial pour l'avenir de
veiller à rétablir une confiance très forte avec la communauté, qui est
parfois injuste dans ses accusations, mais qui a besoin de se sentir
représentée par des gens qui la comprennent, la vivent et donnent une
image réelle des projets et des contributeurs.
Ce point vaut évidemment pour la partie "parole externe" de WMfr
(presse, conférences etc), mais aussi pour l'organisation d'ateliers de
contribution ou les partenariats ayant comme objectif la libération de
contenu
==> travailler à ce que les représentants, salariés et bénévoles de
WMfr, soient en très grande liaison avec la communauté, pourrait être un
socle positif de refondation de l'association. Veiller à ce que l'équipe
salariée comporte des contributeurs actifs, le CA aussi, prendre leurs
compétences wikimédiennes comme socle de leur travail. On peut se former
sur plein de tâches classiques du monde du travail, dans le cadre de la
formation professionnelle. Une expérience wikimédienne, un lien avec la
communauté, cela ne s'apprend pas autrement que "sur le tas", et avec
l'envie profonde d'être au cœur de la communauté.

La partie "promotion de la connaissance libre" est plus délicate encore
parce qu'elle implique une forme de lobbying, et j'ai cru comprendre que
certaines actions ont pu froisser la communauté. Personnellement, je
regrette souvent que les contributeurs n'aient pas toujours conscience
de l'impact et du sens politique des projets Wikimedia, mais c'est comme
ça et on ne peut pas les forcer à accepter ce qu'ils ne voudraient pas.
==> Dans la reconquête de confiance de la communauté, il faudra
probablement accepter d'être moins efficaces à court terme dans des
actions de lobbying, pour garder lien et confiance avec la communauté.
Les choses avancent lentement, d'autres associations travaillent sur le
sujet, les wikimédiens qui travaillent à Bruxelles sur la législation
européenne font un excellent travail, s'il faut travailler sans forcer
la main à la communauté, c'est une contrainte à prendre en compte, et
voilà. Cela ne peut devenir une source de tension ou de pression entre
communauté et association.

Se concentrer sur des projets ayant un impact mesurable, toujours penser
aux projets Wikimedia, mettre les membres et les contributeurs au coeur
de la stratégie et des actions menées. Je crois que c'est un des points
que le FDC a bien identifiés. C'est forcément très difficile d'accepter
de se faire reprendre sur ce point, mais c'est un danger qui a été
pointé il y a bien longtemps dans l'association, et j'en prends
également ma part (j'ai un certain nombre de mes erreurs encore en
tête). Certains projets peuvent être intéressants, sympas, chouettes,
avec du potentiel, mais si on n'est pas en mesure de prouver
effectivement qu'ils répondent aux missions de l'association et que
l'argent dépensé (en cash ou en salaires) pour les faire sera bien
employé et efficace, alors les membres et le CA ont comme devoir de les
refuser ou de les réorienter.
==> Il y a probablement quelque chose à chercher pour l'avenir dans la
validation des projets qui seraient menés par l'association. Peut-être
un "comité de projets" ou quelque chose du genre, qui pourrait associer
salariés (ceux qui montent ou accompagnent des projets, pas forcément la
direction), membres du CA, membres de l'association, pourquoi pas des
contributeurs voire des personnes extérieures à l'asso, afin d'exercer
un contrôle et un accompagnement permanent et transversal sur les
actions menées (qu'elles soient menées par des contributeurs et/ou des
salariés). L'AG est également un moment important de discussion des
stratégies de projet à mener.

2) *"Professionnaliser" Wikimédia France*
Je crois qu'un des échecs de l'association, qui débouche sur la crise
actuelle, est d'avoir voulu professionnaliser trop brusquement, et
surtout en se trompant de méthode, l'association.
Ce n'est pas facile d'être salarié dans une association où les bénévoles
sont actifs. Dans aucune association : Wikimédia Fr. n'est pas une
exception, tous les gens qui travaillent dans ce type d'assos vous le
diront. La place des salariés est très complexe à trouver, les liens
avec les bénévoles/membres et avec le CA aussi. Les salariés ne sont pas
des "bénévoles rémunérés", ils doivent être de vrais salariés, avec des
fiches de poste précises, des compétences précises, éventuellement un
organigramme de fonctionnement. Mais ils ne peuvent fonctionner en vase
clos, sous peine de se couper des membres et bénévoles. Et le CA a un
rôle important à jouer, en tant qu'émanation élue des membres ET employeur.
La 1ère équipe salariée de WMfr, dont j'ai fait partie, était très
"grassroot", issue de la communauté pour sa plus grande part. Avec toute
l'inexpérience qui en découle, mais aussi énormément d'enthousiasme et
d'investissement dans le travail. Cela a généré une foule de projets
menés, certains se passant très bien, avec des partenariats
intéressants, une bonne implication des membres et des contributeurs,
une belle image à l'extérieur etc. D'autres ont été plus difficiles à
mener parce que plus éloignés directement de la communauté, difficiles à
monter avec des bénévoles, un impact sur les projets plus indirect ou
moins efficace, bref générant des tensions, soit entre salariés et CA,
soit entre salariés et membres.
La solution qui a été trouvée par le CA a été de recruter quelqu'un pour
s'occuper des salariés et des projets de l'association (je n'ai pas
souvenir de risques juridiques particuliers cependant, malgré ce qui a
pu être affirmé). Et là plusieurs erreurs ont été faites :

- *choisir quelqu'un qui avait peut-être des expériences de
"management", mais aucun lien avec les projets*. La communauté
wikimédienne est complexe à comprendre, plaquer des méthodes venues de
l'extérieur sans prendre le temps de comprendre le fonctionnement de
l'asso, des membres, des projets, des contributeurs, c'est prendre le
risque de s'en couper, d'agir à contretemps ou de faire des erreurs,
voire de générer de la souffrance au travail et des conflits de loyauté
notamment avec les salariés issus de la communauté et les membres de
l'association.
Avec le recul, je pense que l'équilibre entre compétences de management
et implication ou au moins appétence pour les projets n'a pas été bon.
Le problème est surtout que cela a été un choix délibéré du CA de
l'époque : prendre quelqu'un volontairement extérieur aux projets.
==> Peut-être que dans l'avenir cette question d'équilibre devrait être
revue, en essayant d'aller chercher dans les compétences des
contributeurs ou de personnes ayant une expérience dans des associations
au fonctionnement semblable à WMfr (il y en a plein) la ou les personnes
adéquates pour diriger l'équipe et les projets de l'association. Prendre
garde également à la capacité d'écoute et d'adaptation des personnes
recrutées, qui doivent être au service des projets, des membres, des
contributeurs, et même d'une certaine manière de l'équipe salariée, et
pas l'inverse : diriger, c'est servir. Encore plus dans une association.

- *le CA s'est totalement désengagé de ses responsabilités d'employeur*.
En donnant immédiatement et sans aucune limite les pleins pouvoirs sur
la gestion humaine et financière de l'association à sa direction, il a
renoncé au quotidien et moralement à s'impliquer dans la gestion de
l'équipe, et cela n'a pas varié depuis, preuve en sont les derniers
mails du CA qui ont été publiés. Je pense que c'est une grave erreur. Je
peux comprendre la volonté de confier la gestion d'une équipe qui est
devenue de plus en plus importante numériquement à une personne dédiée à
cela, mais cela revient à abandonner personnels et projets à la
direction d'une seule personne.
Normalement, cela implique un contrôle de ses actions au moins aussi
important que les pouvoirs qui lui sont donnés, et cela n'a pas été le
cas. En coupant l'équipe salariée et les membres d'une possibilité
d'appel, de dialogue et de "contre-pouvoir" au sein du CA, ce dernier a
- à mon avis - failli à sa mission. De même en refusant la moindre
transparence. Le droit du travail qui a souvent été brandi à tort et à
travers depuis des années n'aurait, le plus souvent, jamais du être un
frein à cette mission de contrôle du CA. Dans une association qui est,
mine de rien, d'une taille très raisonnable et avec une équipe salariée
réduite, le CA devrait pouvoir garder un lien fort avec les salariés,
sans que cela ne rentre en contradiction avec le rôle de management et
de coordination nécessaire à l'équipe salariée.
Il y a eu de nombreuses alertes données, ne serait-ce que le turn-over
important de l'équipe salariée qui aurait du amener à des interrogations
fortes : creuser plus loin que les motifs officiels de rupture de
contrat par exemple. Que cela n'ait pas été le cas, que des embauches
sans appel public à candidature etc n'aient été contrôlées, c'est une
erreur.
==> Je pense que dans les décisions qui seront prises dans le futur, la
question du périmètre du poste de la direction, des procédures de
recrutement et du rôle du CA (émanation légitime des membres) envers
l'équipe salariée pourrait être revus dans un sens de meilleur équilibre
liberté d'action / contrôle / accompagnement, afin que l'équipe salariée
et son fonctionnement ne soient plus des "boites noires", et que les
salariés puissent se sentir accompagnés (oui, des mauvais managers ça
existe, et c'est fréquent. Il n'y a pas que des "mauvais" salariés ou
des mauvais membres). Proposer aux salariés quittant l'association de
faire un retour personnel au CA sur leur expérience et sur leur analyse
de l'état de l'association pourrait être une chose intéressante (ça se
fait dans d'autres associations), interroger les membres également sur
leur vision du travail des salariés, de façon évidemment respectueuse et
sans en faire un tribunal public.

- *confondre professionnalisation et rigidité* : la manière dont la
professionnalisation "2e phase" de l'association s'est faite a introduit
une forte rigidité dans le fonctionnement de l'association et dans les
méthodes de travail de l'équipe salariée, qui - à mon avis - a généré
une grande part des problèmes actuels de coupure entre les membres de
l'asso, les contributeurs, le CA, la direction etc. C'est souvent le
problème lorsque la fonction de direction et de management a trop de
pouvoir : on manage pour manager, on bureaucratise pour avoir quelque
chose à faire, on multiplie les procédures pour justifier sa place. Mais
on perd l'énergie, on fatigue les bénévoles, on bride les salariés, on
brise la spontanéité, et surtout on perd parfois le sens premier de
l'engagement et des missions de l'association. Les quelques mois que
j'ai passés sous l'actuelle direction de WMfr ont été en ce sens très
éclairants pour moi. Croire qu'on sera plus professionnel en
alourdissant et rigidifiant les procédures et les relations sociales est
une excellente manière de tuer une association.
Chaque association a ses propres spécificités, son rythme de travail,
ses objectifs de résultat. On ne peut plaquer des méthodes sans
s'assurer qu'elles sont parfaitement adaptées à la situation de
l'association. Il y avait des choses à mieux organiser, mieux gérer à
WMfr, c'est évident. Mais la verticalité énorme qui a été introduite, et
la forme d'autoritarisme fréquemment évoquée ces dernières semaines ont
été certainement parmi les causes profondes des problèmes actuels.
Combiné à une concentration des pouvoirs, c'est un vrai danger.
==> reprendre l'organisation des projets de l'asso et le fonctionnement
de l'équipe salariée pour alléger les procédures sans renoncer à
l'exigence de résultats. Réfléchir profondément à ce que WMfr veut
faire, par quels moyens, avec quels objectifs, avec quelles "procédures"
: un beau programme de réflexion pour les membres, le CA et l'équipe !

Je cesse là ces réflexions. Elles se basent sur la situation actuelle de
WMfr, mais elles sont récurrentes dans les associations. Le modèle
associatif est probablement celui qui est le plus difficile à
équilibrer. Ce n'est pas une fatalité et depuis 3 ans je me suis pas mal
renseigné, souvent en pensant à WMfr, sur la manière dont fonctionnent
différentes assos, de toutes tailles et types. Les points de vigilance
que j'ai exposés ici reviennent fréquemment dans les problèmes pointés.
C'est la raison pour laquelle même si j'ai essayé d'être précise, je ne
veux pas verser dans les attaques personnelles. Je pense que la solution
ne viendra pas uniquement du départ de certaines personnes (CA ou
direction), mais que le renouvellement est probablement quand même
nécessaire, afin de repartir sur de bonnes bases. Parfois il faut purger
une situation pour s'en sortir. Ne pas dramatiser, mais ne pas
sous-estimer l'ampleur de la tâche à accomplir pour revenir à une
situation saine et heureuse, et qui fasse honneur aux projets Wikimedia
pour lesquels l'association existe.

Je vous souhaite à tous beaucoup de courage et d'ondes positives pour
sortir de tout ça par le haut.


Adrienne

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